Histoire d’une fleur

Bon, tout ça c’est bien beau, ces concours, mais moi je ne peux pas.
Pourquoi ? Parce que je n’ai pas de balcon, pardi.

Attention : je reconnais que l’idée est excellente. Notre capitale est si triste qu’on y encourage désormais les habitants à fleurir leur balcon. Des fonctionnaires de la Ville patrouilleront dans toutes les rues et ceux qui auront le plus beau balcon fleuri gagneront un prix.
Mais moi, en guise de fenêtre sur le monde, je n’ai qu’un soupirail. Et si j’y place la moindre fleur, cela réduira la lumière qui entrera chez moi, dans ce pauvre sous-sol.

Alors j’ai eu une idée.
Mon trottoir est un de ces horribles trottoirs composé de pavés, ceux qui se déchaussent et font trébucher les passants.
Et justement, depuis quelques jours il se trouve qu’un pavé a disparu, et ça fait un petit trou dans le trottoir, juste devant chez moi.
Ce trou sera idéal pour y planter une fleur.
Bruxellois urbain jusqu’au bout, je serai reconnu comme celui qui a commencé à fleurir non pas son balcon mais son trottoir.

Depuis ce matin, une jolie fleur aux couleurs rose et fuschia orne mon trottoir. Je suis extrêmement fier de ma création artistique.
Mais déjà terrorisé à l’idée qu’un piéton distrait ne marche dessus, où qu’elle soit lamentablement écrabouillée par les roues d’une quelconque poussette. L’idée me terrifie.
Je guette en permanence, à travers mon soupirail. Ouf, ça va, elle est toujours là, saine et sauve !

Ce qui m’attriste le plus, c’est l’indifférence des passants quant à ma création. Je n’ai aperçu personne en train de s’émerveiller ou de la prendre en photo. Tout semble se passer comme si les gens étaient absorbés par leur bulle personnelle, marchant d’un pas négligent, et ignorant complètement ma fleur.

Je guette à nouveau et là, c’est la stupeur ! Ma fleur n’est plus là.

Je gravis l’escalier à toute vitesse et me précipite sur mon trottoir pour en avoir le cœur net.
Quelqu’un l’aurait-elle écrasée ? Non, sinon on verrait les pétales au sol.
Quelqu’un l’aurait-elle dérobée ? Non, c’est impossible, il n’y a personne dans la rue et je n’ai rien entendu.
Je dois me résoudre à l’évidence. Elle est partie de son plein gré, pour retrouver sa vraie place dans la nature et non sur un trottoir où elle serait exposée à tous les dangers.

Je lève les yeux vers le ciel et je comprends aussitôt : ma fleur vient de s’envoler…

Yves

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