Monsieur le Cardinal, vous me faites peur.
Enfant, c’est à mes cours de cathéchisme que je fis votre connaissance. Vous n’étiez déjà plus de ce monde, et pourtant votre ombre planait déjà sur vos lointains disciples.
Cette ombre, je la retrouve encore aujourd’hui. Chaque jour elle me pèse. Dans mon cœur, par tout ce qu’on m’a enseigné sur cette autorité qui a toujours raison, et face à laquelle nous ne sommes rien. Mais elle me pèse aussi au sens figuré, à chaque fois que mes pas me mènent le long de cette cathédrale où votre immense statue me regarde et me couvre de honte.
Oh, ne dites pas le contraire. Je sais bien que c’est moi que vous regardez. Comme si vous aviez senti le dissident en moi et comme si vous pensiez qu’en prenant votre regard le plus sévère vous susciteriez en moi le remords qui me ramènerait dans votre troupeau.
J’ai beau tenter de l’éviter, de fermer les yeux ou de regarder au sol, rien n’y fait. Je sens la présence de votre regard vers moi, qui me tourmente. Et cette ombre au sol… Cette ombre immense qui m’enveloppe et veut me faire passer un message. Alors, c’est plus fort que moi, j’ouvre les yeux et fébrilement je lève la tête, pour me retrouver comme à chaque fois tétanisé par votre regard.
Monsieur le Cardinal, je vous ai déjà dit que vous me faites peur ?