La rebellion

Aujourd’hui, c’est une belle journée de mars. D’humeur joyeuse, je décrète solennellement que cette journée sera l’occasion d’un grand nettoyage de printemps. Il faut dire que la maison en avait bien besoin.

Allons-y pour quelques poussières, un coup de chiffon à tous les endroits critiques et le tour est joué.

Passons à présent aux choses sérieuses, un bon coup d’aspirateur ne sera pas de trop ici. On appuie sur le bouton et c’est parti.

A dusty floor inside a house

Photo by Charles Williams, licence CC-BY-SA 2.0

Mais… que se passe-t’il ? Mon aspirateur, pourtant encore récent, ne semble pas fonctionner comme d’habitude. Il avale les poussières… et les recrache aussitôt quelques mètres plus loin. À ce rythme-là, il y aura tout autant de saleté après qu’avant.

J’interromps mon ménage quelque temps et inspecte la bête. Le tuyau et le sac sont bien en place et tous les réglages sont en ordre. Ça va très vite, après tout, les aspirateurs sont des engins très élémentaires. Visiblement, tout a l’air normal, ce qui me rend d’autant plus perplexe. Rien n’y fait, il dysfonctionne complètement.

Je m’assieds à même le sol, et je me surprends à lui dire à voix haute : « Mais qu’est-ce qui peut bien t’arriver, toi, de ne plus fonctionner normalement ? »

« Je n’ai plus envie, me répond soudain l’aspirateur.
— Attends, je rêve ou c’est toi qui m’a parlé ? m’entends-je lui répondre.
— Non, tu ne rêves pas, c’est bien moi. Alors je profite que tu m’adresses la parole pour faire une petite mise au point. Et j’ai même quelques revendications à te soumettre… »

Je reste héberlué. Un aspirateur qui parle, c’est tout bonnement impossible, et mon esprit cartésien ne peut admettre cette idée absurde. J’en demeure sans voix. L’aspirateur est quant à lui incroyablement bavard :

« D’abord, cette maison, c’est aussi un peu chez moi. Et je n’ai pas de jolie chambre décorée ni de lit douillet, moi, tu me forces à habiter dans un placard étroit et sombre, alors que j’ai incroyablement peur du noir. Ensuite, tu me traites comme un objet et non comme l’être sensible que je suis : jamais un mot gentil à mon intention, on dirait que tu ne t’intéresses à moi que lorsque je peux t’être utile, et tu m’oublies aussitôt. Quant à la poussière et tout ce qui traîne au sol, je suis désolé mais ça me dégoûte vraiment de devoir avaler ça chaque semaine, c’est vraiment de la torture. Comprends-moi, toi non plus tu n’aimerais pas ingurgiter ça. J’ai longtemps tourné ça dans ma tête mais aujourd’hui il fallait que ça sorte. Alors je fais la grève. Et je refuse de reprendre le travail ! »

Depuis ce jour, j’ai appris à respecter mon aspirateur. Je le salue chaque matin ou lorsque je rentre le soir à la maison. Il dispose désormais de sa chambre personnelle. Nous partageons des moments de franche camaraderie en regardant la télévision le soir et il choisit lui-même ses repas. Peu importe la poussière si ça permet de gagner une amitié.

Yves

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